Critique « Boss » Saison 1

Pitch : Thomas Kane, maire de Chicago, dirige la ville d'une main de fer. Entouré d'une équipe dévouée, il va devoir faire face à sa propre mortalité lors des élections pour le poste de gouverneur de l'état d'Illinois.

Diffusion initiale : 21 Octobre 2011 sur STARZ
Créée par : Farhad Safinia
Produite par : Peter Giuliano, Farhad Safinia, Kelsey Grammer, Gus van Sant...
Avec : Kelsey Grammer (Maire Thomas Kane), Connie Nielsen (Meredith Kane), Hannah Ware (Emma Kane), Jeff Hephner (Alex Zajac)...


Boss traite de politique d'une manière lucide et inédite à la télévision. Sous la houlette de Gus van Sant (pour le cachet cinématographique), la série commence par l'histoire d'un homme et se termine par l'histoire d'un système, le nôtre : "la démocratie est le plus mauvais système de gouvernement, à l'exception de tous les autres." (W. Churchill). Sans jamais verser dans le cynisme, Boss dépeint le règne du Maire Thomas Kane sur Chicago et sa lutte perpétuelle pour le pouvoir politique.

Kelsey Grammer était sans doute l'acteur parfait pour incarner à l'écran cette bête politique impitoyable, prête à mourir pour un système vicieux mais qu'elle considère comme un moindre mal. Allié à sa femme Meredith (l'actrice d'origine danoise Connie Nielsen), fille du précédent maire de la ville, Thomas Kane lutte, inexpugnable et prêt à tous les sacrifices, sauf peut-être le sien.



Boss est une série noire et profondément pessimiste. Cependant ce pessimisme vient surtout de la lucidité qu'amène la série sur notre système politique actuel. De fait la trame se situe à Chicago mais les évènements dépeints sont universels, du moins en démocratie. Ainsi la personne élue n'a pas les pleins pouvoirs mais le système les possède bien, lui, et tous les rouages de ce système sont des êtres humains, attachés à leur position au delà de toute raison.

Remarquablement mis en scène, les 8 épisodes de Boss sont extrêmement immersifs, les scénaristes réussissant la gageure de rendre la politique à ses possesseurs : tous ses spectateurs. C'est la tragédie grecque qui est convoquée ici, chaque personnage souffre d'une incomplétude compensée par celle des autres. Grâce à l'ensemble du casting, tous remarquables, la série est si crédible qu'elle laisse le spectateur abasourdi devant la vérité qu'elle dévoile : le système politique est carnassier, il se régénère perpétuellement en se nourrissant de la vie de celles et ceux, comme Zajac (Jeff Hephner, impeccablement charismatique) ou Sam Miller (Troy Garity), qui au nom de leurs principes finiront toujours par rentrer dans les rangs.



Si Boss permet à STARZ de piétiner les plates bandes d'HBO, Farhad Safinia - son créateur - naît véritablement dans ce portrait politique d'un monde contemporain qui tourne à vide. Nominée pour 2 Golden Globes (celui du meilleur acteur pour Kelsey Grammer - amplement mérité - et celui de la meilleure série dramatique), la série a une portée subversive si rare de nos jours qu'elle en est salutaire. En narrant les évènements tels qu'ils sont plutôt que comme ils semblent être, Boss est une série aussi puissante dramatiquement qu'humainement nécessaire.