Fiche Blonde:

russel 30/09/22 7:35 4     Partager sur Facebook
blonde
                         
Note moyenne de cet épisode: 18.0 / 20 (2)
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oui oui Network oui oui

17.0

Soyons clair, il ne faut pas attendre de Blonde qu'il soit un biopic exhaustif et fidèle sur la vie de Marilyn. Se détachant du canon habituel du genre (trop diront certains), ce film n'en demeure pas moins une œuvre atypique et dérangeante.
Désencombré de la simple véracité historique, c'est davantage une réécriture sulfureuse de la vie de Norma Jeane qui nous est proposée, résolument dure et noire, en contraste total avec notre perception commune du sex symbol qu'elle incarnait sur pellicule.

Il y a de très bonnes choses dans ce film.
Tout d'abord, visuellement, il y a des idées intéressantes et un gros travail technique : les passages en noir et blanc, les jeux de lumière, les changements de ratio, les cadrages alambiqués, les effets visuels, les transitions, la restitution de l'atmosphère des 50's-60's, une grosse importance accordée aux flous qui apportent une ambiance hamiltonienne très léchée... Bref, du vrai cinéma.

La bande son ensuite, signée Nick Cave, reste relativement discrète et brille surtout par une excellente utilisation des silences.

Enfin l'interprète principale, Ana de Armas, actrice dont je n'aime pas trop le jeu en règle générale, crève ici l'écran. La performance est telle qu'une future nomination aux Oscars ne me surprendrait pas. Elle redonne vie à la paire Norma Jeane/Marilyn, pas seulement physiquement - merci la coiffure et le maquillage (et franchement, chapeau! car le blond platine et le teint diaphane pour une cubaine, ce n'était pas gagné d'avance) - mais également au niveau du maniérisme et des inflexions de voix. Le mimétisme est incroyable, habilement servi par la reproduction de scènes cultes et de clichés ancrés dans nos représentations collectives.

Il y a évidemment des choses plus discutables mais invariablement, ce sont des partis pris assumés du réalisateur. Quoiqu'il en soit, je ne sais pas s'il y avait besoin de coller systématiquement tous les potentiomètres à 11.

Notamment, l'aspect tragique prédominant qui transforme Norma Jeane en un personnage sur qui le sort s'acharne ad nauseam, à la croisée des chemins entre la tristesse d'un Roger Gicquel et la poisse d'une Kim Bauer - les moments heureux n'occupant que quelques brèves minutes.

L'aspect volontairement fragmenté et décousu de la réalisation, avec un montage parfois épileptique, est vertigineux et rend quelques passages confus. Cela illustre le délitement de l'état de Norma Jeane, admettons, mais certaines ellipses narratives sont colossales et laissent le spectateur se dépatouiller avec la chronologie. Quand on sait que le film émarge à 2h47, à ce compte là, quelques scènes de transition n'auraient pas beaucoup aggravé le bilan.

De la même manière, concernant l'utilisation du temps, certains « oublis » manifestes interrogent : pas d'Yves Montand, pas de Happy Birthday Mr President, rien sur son premier mariage, ni sur sa conversion ou son divorce avec Miller. Alors que d'un autre côté, le réalisateur ne se prive pas pour broder allègrement sur certains pans nécessairement méconnus de sa vie, histoire de marteler le clou d'un message critique déjà bien enfoncé.

Je pourrais également parler des nombreuses scènes de nu et de l'omniprésence du sexe car, s'il est notoriété publique que Marilyn a eu de nombreuses liaisons, je me demande tout de même si la scène avec JFK était bien nécessaire? Pour une dénonciation de l'objectification des femmes au sein de la machine à rêves californienne, le choix de capitaliser ainsi sur la plastique avantageuse de l'actrice me laisse dubitatif.

Finalement, l'aspect qui me chiffonne le plus, c'est paradoxalement le titre. Ce film, en plus des nombreux thèmes abordés (la filiation, la construction identitaire, la schizophrénie, les addictions, les rapports hommes-femmes et la phallocratie ambiante), c'est surtout l'instrumentalisation d'un destin tragique, à charge contre l'industrie hollywoodienne.
Le film montre comment les studios ont broyé Norma Jeane, l'éternelle ingénue, emprisonnée dans un rôle créé de toute pièce. Et en déplorant comment tout a contribué à pervertir et tuer l'innocence, choisir ce titre, c'est justement refuser de voir au delà de la facade fantasmée en la réduisant une nouvelle fois à une simple couleur de cheveux, à l'idée même de Marilyn. Je me trompe peut-être mais le sujet de ce film n'était pas l'intangible Monroe et ce titre gâche l'opportunité de rendre à Norma Jeane son existence propre, ce qu'elle-même essayait de faire.

Pour conclure, Blonde n'est pas une œuvre sans défaut.
Ce n'est pas non plus l'histoire que j'aurais aimé voir (quitte à se montrer révisionniste, j'aurais mieux apprécié un retournement radical, à la manière du dernier quart d'heure de Once Upon a Time In Hollywood).
C'est encore moins une œuvre qui fait du bien (il me faudra un certain temps avant un second visionnage) mais par contre, c'est une œuvre qui vaut la peine d'être vue car elle ne laissera personne indiffèrent.



russel Network russel

19.0

Assez étonné de voir la levée de bouclier se dresser face à cette supposée biographie de Monroe et en même temps je comprends que dés lors qu'on s'attaque à une icône et qu'on ne livre pas nécessairement ce que le public a en tête, ça déçoit, ça froisse. Car Andrew Dominik ne ménage pas son sujet et choisit de livrer une vision très sombre de l'actrice dont l'existence peut être pratiquement assimilée à un musée des horreurs. C'est probablement arrangé dans le récit, tout comme une bonne partie des faits sont probablement exacts dans leur essence. La bio de Monroe a été sujette à un sacré paquet d'enquêtes, d'hypothèses, avec carrément des analyses ADN pour trouver notamment qui était vraiment son père. C'est d'ailleurs le rosebud du film de Dominik.

Donc peu importe l'exactitude historique, parce là effectivement on peut se perdre en jérémiades sans fins. Où est passé Yves Montand notamment? Quel est l'intérêt d'un portrait si le peintre se contente de recopier une photo sans l'habiter de sa vision, de ses partis pris. Quoi de plus chiant qu'une biographie qui trace complaisamment le chemin entre le berceau et le caveau sans trop bouger les meubles mais juste pour faire le spectacle (ce que je reprochais au récent Elvis)? Plus que la vie définitive de Monroe, la version officielle, c'est ici Marylin par Andrew Dominik. Après à chacun de voir si on apprécie ou pas.

Pour ma part j'ai apprécié le voyage qui n'épargne pas grand monde (Arthur Miller s'en sort bien et DiMaggio est injustement réduit à pas grand chose) et notamment sa charge contre la machine à broyer hollywoodienne, elle même appareil au service de l'administration américaine. Une sorte de Mullholland Drive matinée de L.A. Confidential qui met le paquet sur le psychiatrique (le tiroir à bébé). Un combat perdu d'avance dans la mesure où Monroe n'est pas de taille pour imposer quoi que ce soit face à l'ogre. Le film pourrait se voir comme une chute sans fin et sans espoir qui dure peut-être un peu trop longtemps, pratiquement 3 heures. Mais ce sont 3 heures de grand cinéma, de moments de grâce, d'inspiration de mise en scène. Avant tout l'occasion de rappeler que Andrew Dominik est un sacré cinéaste, un des meilleurs de sa génération, hélas un peu sorti du circuit et qui manque vu le niveau de ce qu'on nous propose en ce moment (il vaut mieux se faire rare qu'enchaîner des bouses à la chaîne). Il y a vraiment des séquences à tomber à la renverse, comme celle où Marylin sous cacheton quitte le siège de son avion pour assister à une première et retourne sur sn vol le tout dans un même plan afin de bien montrer qu'elle ne dissocie plus rien dans son vécu. Saisissant. C'est indéniablement un film que j'aurai envie de revoir parce que c'est un concentré de maîtrise filmique.

Dur de ne pas parler de Ana de Armas. C'est souvent un gros challenge de "se faire passer pour", spécialement quand on a affaire à une telle icône ancrée dans l'inconscient collectif de la société de l'image. D'autant plus que Dominik joue beaucoup la carte du cliché archi connu qui prend vie, donc il y a toujours matière à comparaison avec l'originale. J'ai lutté un bout de temps avant de parvenir à confondre l'actrice avec l'idole mais la cubaine parvient à bouffer son modèle et à en prendre possession, bien aidée par un boulot de maquillage, coiffure et lumières remarquable. Donc je valide, bien plus convaincante que Michelle Williams dans My Week with Marylin notamment.

Il y a de quoi faire des cauchemars avec cette bio de Monroe passablement misanthropique et cependant il faut avouer qu'au bout du compte, la star n'en reste pas moins fascinante parvenu au générique de fin. Peut-être parce que son côté ingénue est demeuré intacte face à la laideur du monde. Un destin incroyable et pourtant une vie de merde. La pauvre...



"That thing up on the screen, it isn't me."




J'ai tenté de regarder puis je... par Lukahood Network de Lukahood 13:41 le 01/10/2022

Avatar lukahoodJ'ai tenté de regarder puis je suis parti rapidement. Marilyn a été la première actrice US que j'ai connu il y a fort longtemps elle était encore légendaire en France quand j'étais petit et mon frère avait un poster géant de la blonde dans sa chambre. Mais j'ai été cueilli à froid par ce biopic qui fait suite à de très nombreuses biographies sur l'actrice, et on ne les compte pas en anglais. Un exercice de style qui ne m'a pas convaincu. Je ne note pas puisque je ne l'ai pas vu en entier.

j'hésitai, un peu peur de toucher... par Angeldusta Network de Angeldusta 16:09 le 02/10/2022

Avatar angeldustaj'hésitai, un peu peur de toucher a l'image que j'ai d'elle mais vue ce que tu en dis, je vais tenter l'expérience. merci pour ce retour !

J?avais évité de lire les notations... par Oui oui Network de Oui oui 00:28 le 05/10/2022

Avatar oui ouiJ'avais évité de lire les notations et les réponses pour ne pas me faire spoiler avant d'écrire mon avis.
C'est pourquoi je ne te mets en garde que maintenant : attention, ce film touchera à l'image que tu as d'elle (et pas forcément en bien).

Je suis assez d'accord avec Oui... par Russel Network de Russel 02:35 le 05/10/2022

Avatar russelJe suis assez d'accord avec Oui oui. C'est une vision subjective sur la vie de Monroe, donc ça peut froisser, mais au moins ce n'est pas tiède comme une bio officielle qui contient par ailleurs autant de faits tronqués pour faire plaisir à la vedette ou à sa famille qui gère ses droits posthumes. Si on veut ne retenir que le mythe, mieux vaut ne pas voir le film. Après on n'a pas non plus de révélation ici. Le destin de Monroe n'a rien d'unique, elle n'a pas eu de traitement spécial, tous les acteurs sous contrats des studios étaient à des degrés divers broyés par l'industrie. Et ça n'a pas changé, on a vu Weinstein et Me Too ou pas, on peut être assuré que ça perdure. Quand on voit les stars du moment, beaucoup n'ont pas l'air bien dans leur assiette.

La seule interrogation que me laisse le film, c'est de savoir si Monroe était aussi ingénue, du fait de son trauma d'enfance. Parce que là c'est littéralement Bambi. En général quand elle tombe dans un plan cradingue, elle subit plus qu'elle initie. Ca j'ai du mal à l'acheter totalement... Et effectivement comme le dit Oui oui, pas un mot sur son premier mariage avant qu'elle ne devienne célèbre. Le film ne dévoile pas tout de sa vie, mais la facette qui l'arrange pour construire son propre récit. Mais il le fait bien on va dire...

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