Fiche Joker:

jorgio 12/10/19 12:23 1     Partager sur Facebook
joker
                         
Note moyenne de cet épisode: 19.0 / 20 (1)
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19.0

Critique qui rit jaune !

Joker est un film singulier. Un contre-pied aux productions DC Comics pour le médium du cinéma depuis MOS en 2013. Pas un film d'action. Pas un film de super héros. Pas un film de "fonds verts".
Mais un film lent, contemplatif, "Scorsesien", reflétant une image glaçante de notre société, faisant écho aux tristes évènements de ces derniers mois en France, mais aussi dans les discours des politiques: "Les Gothamiens sont des clowns !", "Le pays ne va pas si mal !"...
Une interprétation d'un futur qui pourrait être le nôtre, charge contre ceux qui nous gouvernent leur rappelant qu'à force de persister dans la voie choisie, cela pourrait leur péter à la figure.

Le film est-il une apologie de la violence ? Non. Mais une critique d'un individualisme exacerbé où l'ignorance de son prochain, voire l'ignorance tout court, prime et dont la violence finie par n'être qu'une des tristes conséquences.
Un bel exemple du film est cette rétrospective des "Temps Modernes" de "Charlie Chaplin" où une assemblée fortunée s'esclaffe devant cette suite d'images sans en comprendre le sens profond.

Dans cette Gotham au bord du gouffre, nous suivons l'évolution d'Arthur, clown triste, atteint d'une maladie mentale, méprisé par ses pairs.
Un brave type, tour à tour touchant, drôle, étrange, qui ne peut susciter que de l'empathie.
Celle-ci résulte d'un talentueux travail d'écriture du réalisateur-scénariste Todd Phillips, sublimé par la performance artistique absolument effarante de Joacquin Phoenix.
La palette d'émotions que dégage l'acteur, de la détresse de son regard avec son sourire figé à son rire (formidable idée !) ou ses pas de danse (autre formidable idée !) lui trace la route vers une nomination aux oscars ad minima.
S'il fallait chipoter, la performance de l'acteur est tellement incroyable qu'elle aurait tendance à éclipser tout le reste et ce serait une faute tant la richesse du film ne se résume pas qu'à celle-ci.

Un écrit de "L'Homme qui rit", la nouvelle de Victor Hugo de 1869, dont se sont inspirés les créateurs du Joker, Jerry Robinson, Bill Finger et Bob Kane est le plus représentatif du message du film à travers les yeux d'Arthur:
"Je représente l'humanité telle que ses maîtres l'ont faite. L'homme est un mutilé. Ce qu'on m'a fait, on l'a fait au genre humain. On lui a déformé le droit, la justice, la vérité, la raison, l'intelligence, comme à moi les yeux, les narines et les oreilles ; comme à moi, on lui a mis au cœur un cloaque de colère et de douleur, et sur la face un masque de contentement."
La descente aux enfers de ce pauvre homme, épreuve après épreuve, symbolisée par cet escalier sur l'affiche de film qu'il montera en tant qu'Arthur et descendra en tant que Joker, fait, d'emblée, s'interroger sur notre propre état d'esprit: je comprends pourquoi il atteint ce point de non retour bien que je ne le cautionne pas mais n'aurais-je pas emprunté ce même chemin par désespoir ?

Malgré un propos extrêmement virulent, le film parvient avec une intelligence rare à conserver une distance respectable entre entre les personnes de chaque côtés de l'écran.
1. Il a la pertinence de laisser le spectateur interpréter les angles morts du scénario: le Joker a-t-il commis l'impensable ou reste-il un peu d'Arthur ? De suggérer plutôt que de montrer via un sobriquet donné à Arthur par un de ses collègues sous-entendant que celui-ci abuserait régulièrement de lui.
2. Il nous rappelle que le personnage principal est atteint d'une maladie mentale et n'est clairement pas un modèle de stabilité psychologique. Que la destination de son voyage intérieur le transformera, à l'image de son homologue en deux dimensions, en véritable ordure.

Pour résumer, Joker n'est pas un renouveau comme le clame beaucoup. N'est pas le film qui changera les consciences bien qu'il les bouscule. Mais un retour aux sources où Hollywood se sert du médium du cinéma pour s'interroger sur la société, sur notre rapport à l'autre ou sur lui-même. Un film poignant, humain et utile. Une putain de claque.




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